Placer la RSE au coeur de l’entreprise : un défi quotidien

Sophie Nunziati, directrice, Agence Verte

Bien qu’elle soit désormais ancrée dans les entreprises et les organisations, l’avenir de la RSE pose encore de nombreuses questions. C’est ce que révèle l’étude RSE : les paradoxes du passage à l’âge adulte menée par l’Agence Verte. L’étude, à laquelle Communication publique s’est associée, analyse les perceptions croisées des professionnels de la RSE, de la communication et des collaborateurs.

Contraintes par la réglementation, interpellées par les citoyens et la société civile, obligées vis-à-vis des limites planétaires, mais également désireuses d’avoir un impact positif, les organisations n’ont jamais tant œuvré et jamais aussi peu communiqué sur la responsabilité sociale et environnementale. On passe du greenwashing au greenhushing !

Les organisations n’ont jamais tant œuvré et jamais aussi peu communiqué sur la responsabilité sociale et environnementale. On passe du greenwashing au greenhushing !

Mais elles n’ont jamais aussi peu communiqué sur leurs engagements RSE. Or qui dit absence de communication, dit souvent dilution de l’engagement. Et sans l’engagement de l’ensemble des parties prenantes, et d’abord des collaborateurs, il n’y aura pas de réelle transformation positive.

Ainsi l’alliance RSE-communication, pourtant essentielle, n’est pas toujours simple à mettre en oeuvre au quotidien. C’est pourquoi nous avons lancé cette étude afin de mieux cerner aujourd’hui les enjeux de la RSE, sa place au sein des organisations, sa gouvernance, les enjeux et risques de communication associés. Nous sommes allés plus loin en interrogeant également les collaborateurs afin d’avoir leurs perceptions en miroir de celles des professionnels.

Vu par les professionnels de la RSE ou de la communication, le tableau est plutôt positif. À les écouter, la RSE s’est ancrée dans leur entreprise, y a gagné sa place : 89 % d’entre eux estiment que la politique RSE dans leur organisation est intense, 83 % y voient un atout pour le business, seulement 6 % un frein ; les clients/usagers sont devenus les premières cibles de la RSE (71 %) devant les employés (62 %) et les fournisseurs (52 %).

Et pourtant l’étude montre que placer la RSE au coeur de l’activité d’une entreprise ou d’une organisation reste un défi quotidien. Pour preuve, les priorités affichées par les professionnels de la RSE pour les années à venir :

- crédibiliser la RSE : renforcer l’authenticité et la cohérence des actions.

- impliquer les collaborateurs.

- mettre la RSE au coeur de la stratégie.

En clair, cela avance, mais le sujet n’est pas toujours central. D’ailleurs, quand on demande aux professionnels qui décide des orientations en matière de politique et de communication RSE, la direction générale n’est encore impliquée que dans la moitié des cas (52 %).

Pour les professionnels de la RSE, le sujet prioritaire c’est la qualité de vie au travail, suivi par l’égalité et la diversité. Viennent ensuite les aspects environnementaux, le respect de la nature et la lutte contre le réchauffement climatique. La qualité de vie au travail rassemble professionnels de la RSE, salariés et consommateurs. Le social est au cœur des engagements attendus par les collaborateurs comme par les consommateurs. Cette dimension est clairement assumée par certaines marques, avec les congés en cas d’endométriose chez Carrefour, le congé pour IVG ou pour la transition de genre à la MAIF ou le salaire décent chez Michelin.

Pour les professionnels de la RSE, le sujet prioritaire c’est la qualité de vie au travail, l’enjeu c’est de mobiliser et d’impliquer les collaborateurs

Dans ce combat pour rendre la politique RSE plus centrale, un des enjeux pour les professionnels de la RSE est de mobiliser et d’impliquer les collaborateurs. L‘étude montre à quel point ils peuvent être de précieux alliés dès lors qu’on réussit à les engager. Mais s’ils portent un regard bienveillant sur la politique RSE de leur organisation, la jugeant crédible à 77 % et pertinente à 76 %, ils sont plutôt spectateurs qu’acteurs : seulement 36 % d’entre eux pensent que les actions RSE de leur entreprise sont bien connues en interne. Alors que les 2/3 des professionnels en sont persuadés ! Un décalage de perception qui appelle les professionnels de la RSE à la modestie… et à la persévérance. Car, au-delà d’un a priori positif, les salariés ne connaissent pas forcément dans le détail les actions RSE ni les cibles ; ils sont d’ailleurs 2 sur 3 à considérer qu’ils ont besoin d’être plus formés aux enjeux RSE de leur métier.

Ainsi, même si le sujet de la RSE est largement présent dans la société, l’actualité ou la sphère privée, il ne va pas de soi d’y acculturer les collaborateurs et d’intégrer cette dimension dans leur métier, tant le sujet reste insuffisamment connu, complexe, vaste, systémique, tant il peut susciter des hésitations sur les mesures et des questions sur leur « vraie » efficacité. Il y a donc à la fois un besoin et une demande de communication interne et de mobilisation. « Comment mobiliser les collaborateurs ? », c’est une interrogation récurrente à l’adresse des agences !

68 % des professionnels souhaitent communiquer davantage sur les initiatives RSE de leur entreprise mais 83 % estiment que cela comporte des risques.

Le fait est que 68 % des professionnels souhaitent intensifier la communication autour des initiatives RSE de leur entreprise considérant qu’elle contribue à l’attractivité employeur (70 %), au business (60 %) comme à l’engagement des collaborateurs (60 %). Alors, pourquoi ne le font-ils pas davantage ? C’est que l’exercice est difficile et apparaît risqué : 83 % des professionnels estiment ainsi que communiquer sur la RSE comporte des risques, modérés ou importants. Ce qui freine ce n’est pas tant le manque de soutien ou de moyens que le manque d’actions ou de preuves (42 %) et la crainte de voir leur réputation mise à l’index (43 %). Résultat : on n’ose pas communiquer sur ses initiatives RSE ; on passe de l’habillage au silence, du greenwashing au greenhushing !

Oui, la RSE reste un défi quotidien. Et un combat. Continuons le travail.