Manifeste pour la communication publique

Marie Yanowitz-Durand et Laurent Riéra, co-présidents de Communication publique  

Laurent Riéra

Directeur de la communication pour la ville et la métropole de Rennes.

Marie Yanowitz-Durand

Directrice de la communication, du mécénat et de la programmation culturelle de l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris.

Enquête après enquête, sondeurs et éditorialistes décrivent une France fracturée, à la notable exception d'une trêve olympique vite refermée. Le diagnostic n'en finit plus d'être posé d'une démocratie grippée, d'institutions à bout de souffle, d'une nation sur les nerfs, d'un compromis impossible à amorcer entre des opinions polarisées.

Qu'il paraît loin, l'élan qui présidait à la rédaction du Livre blanc "Dircoms publics en 2030", édité en 2019 par l'association Communication publique, à l'occasion de ses 30 ans. Chacun prenait acte de l'irruption bruyante de l'usager dans le débat public, favorisée par la révolution numérique. Articuler la verticalité et l'horizontalité était un défi motivant et porteur de nouvelles dynamiques pour les communicants publics. C'était il y a 5 ans, un siècle, une éternité.

Depuis, une pandémie, un confinement, une guerre sur le sol européen et quelques crises sociales de grande ampleur ont obscurci le tableau et largement entamé la confiance dans la parole publique. Et ce alors même que les effets délétères du dérèglement climatique, annoncés par les scientifiques depuis plus de quatre décennies, ont commencé à rythmer notre quotidien. Le tout dans un contexte politique marqué par une forte instabilité, une difficulté à faire émerger des urnes des majorités de gouvernement et une crise budgétaire sans précédent.

La communication publique s'en trouve clairement impactée et même déstabilisée. Le brouhaha ambiant rend très utopique l'ambition de faire partager l'art subtil de la nuance et de l'argumentation. La désinformation, omniprésente, est d'autant plus difficile à contrer qu'elle s'appuie sur des technologies de plus en plus sophistiquées et sur une part croissante de l'opinion publique prête à embrasser les vérités alternatives, comme autant de slogans anti-élites.

Méconnaître ce contexte, c'est se réfugier dans un déni mortifère. Baisser les bras, c'est faire peu de cas de l'extraordinaire capacité de rebond de nos sociétés. Nous en sommes convaincus, la communication publique n'est pas qu'un outil. Elle est une composante essentielle de la démocratie, surtout quand celle-ci est fragilisée. Si elle se réinterroge, si elle se réinvente, c'est pour assumer un rôle plus exigeant : être un point d'ancrage fiable et reconnu entre le public et ses institutions. Nous, communicants publics, portons une responsabilité : celle de recréer du dialogue et de restaurer du commun.

Pour y parvenir, il est plus que jamais nécessaire de poser et d'affirmer des principes pour guider nos réflexions et conduire nos actions.

  • Servir l'intérêt général avec sincérité, humilité et exigence. C'est là, dans la recherche du bien commun, que la communication publique puise sa légitimité. Elle ne doit pas craindre le dissensus mais créer les conditions d'un débat apaisé où chacun se sente écouté. Placer l'usager au cœur de nos stratégies, c'est reconnaître sa diversité, son expertise d'usage et son rôle moteur dans la co-construction des politiques publiques. C'est lui faire confiance.
  • Garantir un débat transparent et documenté. Face aux fake news, à la méfiance et au relativisme généralisé, la communication publique doit être un repère : citons nos sources, fournissons des chiffres opposables, ouvrons des espaces de débat où convergent expertise et diversité d'opinions.
  • Relayer les initiatives citoyennes et valoriser le collectif. Les territoires regorgent d'initiatives et de solutions pour retisser du lien et répondre aux défis environnementaux. La communication publique doit les rendre visibles pour renforcer le sentiment d'appartenance à une communauté d'actions et de valeurs.
  • Simplifier le langage et s'engager pour une accessibilité totale. Alors que l'illectronisme, l'exclusion et la lassitude cognitive progressent, la clarté et la simplicité ne sont pas des conditions mais des exigences démocratiques. Sortons des jargons techniques et administratifs, adaptons nos outils et nos contenus pour parler à tous, sans exception.
  • Intégrer l'écoresponsablité comme un prérequis. La réduction de notre empreinte carbone et la préservation des ressources naturelles sont les conditions de notre action. Aussi bien dans nos outils que dans les messages que nous véhiculons. Ce point ne fait plus débat.
  • Retrouver le temps long. À rebours de l'instantanéité des médias sociaux, la communication publique doit s'inscrire dans la durée. Expliquer, contextualiser, suivre les projets et leurs impacts : c'est ainsi qu'elle peut accompagner et légitimer l'action publique.

Forte de ce manifeste, notre association continuera de porter haut les couleurs de la communication publique. Elle le fera avec une nouvelle identité graphique, un site internet entièrement repensé, une nouvelle maquette de la revue Parole Publique et un nouveau format de nos Entretiens, autour d'ateliers de réflexion et de production ouvert à d'autres disciplines.

Ce dynamisme associatif prouve que les professionnels ont envie de se retrouver et d'échanger, besoin de se former, de se sentir épaulés et écoutés. C'est la raison d'être de Communication publique depuis maintenant 35 ans.