Michaël Nathan
Directeur du Service d’Information du Gouvernement (SIG).
Michaël Nathan, Estelle Denize et Laure-Aurélia Guillou, Anaïs Lançon, Aurélie Martzel et Fabrice Moreau
Directeur du Service d’Information du Gouvernement (SIG).
Cheffe de pôle communication du Premier ministre
Directrice de la communication, des ministères de l'Education nationale, de la jeunesse, des sports et de l'enseignement supérieur
Directrice de la communication des ministères Transition écologique, cohésion des territoires, transition énergétique et mer
Cheffe de service du Sircom, le service de communication du ministère de l’économie et des finances.
Délégué à l’Information et à la communication des Ministères sociaux (ministères des Solidarités, de la Santé, du Travail).
Une des thématiques du séminaire des communicants de l’État portait sur la nécessité d’engager des actions de communication plus transversales, non pas ministère par ministère mais à partir des besoins des citoyens. Quelles en seraient les bénéfices ? Qu’en pensent quelques directeurs de communication des ministères ? Comment voient-ils cette ambition ? Et comment le directeur du SIG perçoit-il ce chantier ?
Après la mise en place de la marque État, après l’identification de quelques secteurs pour porter les messages du gouvernement, vous avez annoncé un nouveau chantier : des campagnes de communication travaillées en interministériel. Ce qui revient à dire que chaque ministère sorte de son couloir de nage pour réfléchir à un niveau plus transversal.
Pourquoi faire de la transversalité un enjeu majeur des prochains mois ? Qu’en attendez-vous ?
Michaël Nathan – La troisième édition du séminaire des communicants de l’État portait sur le thème de l’efficacité, qui exprime notre orientation stratégique et notre ambition pour l’année à venir. Les crises ne cessent de s’enchaîner, complexifiant le travail des communicants, en impactant l’attention de nos audiences déjà entamée par la surabondance informationnelle. Face à cet enjeu, dans un souci de responsabilité, nous répondons par un effort de rationalisation des messages et de mutualisation des moyens. Nous pensons qu’être performant, c’est à la fois réussir à faire émerger les objets de communication de l’action publique dans l’espace public, et se maintenir à l’esprit des citoyens dans le temps.
Sur quelles thématiques ce chantier vous semble-til indispensable ?
MN – Nous constatons, études à l’appui, un décalage persistant entre l’action de l’État et la perception de cette dernière par les citoyens, qui jugent majoritairement qu’elle ne correspond pas à leurs préoccupations. Pour corriger cet écart, nous prenons le parti de concentrer nos efforts de coordination autour de quelques objets de communication, reflétant les priorités en termes de déploiement de politiques publiques énoncées dans les feuilles de route gouvernementales. L’ambition est de maximiser la puissance de la caisse de résonnance étatique, démontrant ainsi le potentiel interministériel, en tenant compte des attentes des Français.
Ces thématiques se concentrent aujourd’hui autour de 4 axes.
Comment allez-vous mettre cette ambition en pratique ? A quelle échéance ?
MN – Cette approche est une montée en puissance et une systématisation de ce que nous faisons déjà depuis plusieurs années. C’est le cas, par exemple, sur la Grande cause du quinquennat, relative à l’égalité entre les femmes et les hommes. Autour des objets de communication sélectionnés pour incarner la mise en œuvre de la feuille de route gouvernementale, nous allons adopter une approche pluriannuelle, alliant des temps forts et un fil rouge, en capitalisant sur la « force du nombre », la sphère étatique et ses partenaires, et la granularité des réseaux de l’État. Il y a un vrai enjeu à se situer dans une logique d’anticipation plutôt que de réaction pour créer des conditions de réception favorables aux prises de parole des pouvoirs publics.
Quels sont les effets attendus de plus de transversalité dans la communication de l’État ?
Estelle Denize – D’une part nous voulons rendre plus performative la parole du politique. On voit bien qu’il y a un manque de confiance entre le politique et l’action publique. Le politique impulse et porte les annonces mais il y a encore trop de délais dans la mise en place des actions. Pour nous, il s’agit de recréer les liens nécessaires entre le temps de l’annonce et le temps de la mise en œuvre visible pour les citoyens.
D’autre part, il s’agit de s’engager dans des actions de communication plus impactantes et de mieux les relier à la décision politique. Par exemple, être attentif à ne pas sortir trois campagnes en même temps sur un même sujet ou un sujet connexe, mutualiser les moyens pour qu’elles soient plus lisibles pour nos concitoyens. Penser une communication pertinente au sens d’efficace, c’est aussi développer une culture de l’évaluation. Pré-tester les campagnes, cela a du sens quand il s’agit d’investir dans du média-planning.
C’est finalement un gain et cela peut nous amener à agir en amont et non à lancer une campagne qui ne sera pas comprise.
Comment améliorer la transversalité ? Sur quels sujets ?
ED – Il s’agit forcément de sujets qui peuvent concerner plusieurs ministères. Je pense à des thématiques comme la transition écologique, la réindustrialisation ou la refonte du service public. On doit éviter les effets brouillons pour gagner en efficience. L’Etat demande des efforts à tous les concitoyens. Les communicants publics ont aussi leur pierre à apporter.
Cela implique que chacun sorte de son couloir de nage pour faire ensemble au bénéfice des destinataires des actions. C’est ainsi que l’Etat peut collectivement regagner en crédibilité. Concrètement cela signifie de mieux s’organiser, de partager nos informations, nos plannings.
Le SIG assure et garantit le pilotage de ce travail et il y a déjà un énorme travail réalisé avec la Charte Marianne et le design système des sites internet de l’État. Au final, cela bénéficie au collectif « État ». On mutualise et on planifie ensemble.
Quels effets attendez-vous d’actions de communication plus transversales ?
Aurélie Martzel – J’ai évoqué lors du séminaire des communicants les maisons France services. Ces maisons, c’est le retour des services publics dans les territoires, c’est une bonne nouvelle pour tous les Français. Voilà l’exemple type d’un sujet sur lequel on a intérêt à faire front commun entre ministères, collectivités et opérateurs, pour donner du sens à l’action publique et toucher tous nos publics. Pour y arriver, cela suppose de bien identifier les sujets en amont et d’anticiper les travaux de communication pour avoir le temps de co-construire. Faire ce choix de la coopération, c’est renoncer à l’agilité et à la liberté d’agir seul, mais c’est gagner en impact et en cohérence.
« Faire le choix de la coopération permet de gagner en impact et en cohérence. » Aurélie Martzel
Fabrice Moreau – Par les services qu’elle porte, l’utilité de l’information qu’elle délivre, sa capacité à appréhender une cible dans toutes ses dimensions, la communication a la capacité de dépasser les périmètres d’organisation de l’État. J’ai à ce titre cité l’exemple du dispositif 1 jeune, 1 solution, conçu au sein du ministère du Travail, qui a su fédérer des acteurs de plusieurs ministères autour des enjeux d’insertion dans la vie active, avec des résultats très probants. Une dynamique à poursuivre, sur ce qui est devenu une très belle marque d’État !
Anaïs Lançon – Venant d’arriver à la direction de la communication du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, cette initiative me semble représenter une opportunité de faire davantage équipe encore avec le SIG en additionnant nos expertises et ressources. C’est aussi un moyen de mieux planifier la communication du gouvernement pour la rendre plus performante aux yeux des Français. Pour que cela fonctionne, il faut bien sûr que les équipes de communication des ministères se sentent totalement parties prenantes de la démarche en restant décisionnaires à tous les stades de la production de la campagne. Cette planification des campagnes au niveau interministériel nécessite également que chaque ministère puisse en faire de même dans son périmètre en coordonnant mieux la communication des établissements publics sous sa tutelle.
« L'accès aux droits et aux services publics est un sujet fédérateur. » Fabrice Moreau
Laure Aurelia-Guillou – Il est nécessaire que les ministères, et plus largement les acteurs publics, se mobilisent ensemble pour porter des actions de communication coordonnées. C’est la meilleure façon d’émerger dans un contexte d’infobésité et de contraintes budgétaires. Il ne faut pourtant pas se leurrer, travailler en interministériel n’est pas toujours simple, demande parfois de faire des compromis mais c’est la condition sine qua non pour pouvoir mettre en place des campagnes plus impactantes et efficaces.
« Placer certains sujets en interministériel témoigne de leur priorité » Anaïs Lançon
Quelles thématiques pourrait-on mettre en avant ?
AM – La communication pédagogique sur les impôts - qui paye quoi, pourquoi, à quoi ça sert – pourrait aussi être abordée de façon plus collective. Les impôts, c’est le sujet de la Direction des finances publiques et de Bercy bien sûr, mais en fait c’est le sujet de tous, au niveau national et local, car sans impôt pas d’État et pas de services publics ! Il faut aussi à mon sens poursuivre les travaux en commun sur la sobriété énergétique et plus largement sur la transition écologique. Ce sont des sujets qui embarquent tout le monde, à tous les niveaux, social, économique, culturel, comportemental.
FM – L’accès aux droits et aux services publics est probablement un sujet fédérateur. Je rejoins Aurélie : les maisons France services sont un bon exemple d’objet interministériel. Accès à la santé, au services fiscaux, aux prestations familiales, il importe probablement peu à nos concitoyens de savoir quelle administration est derrière ces services publics qui se transforment. L’État a conçu une réponse innovante sur ces sujets, localement, par-delà les périmètres administratifs. À nous de savoir la communiquer ensemble.
AL – Ce travail d’identification est encore devant nous mais il y a des sujets qui sont par nature interministériels et qui ont donc vocation à bénéficier de ce process. C’est le cas en particulier de la sobriété énergétique avec Bercy et le MTECT. Mais il y en a d’autres car les sujets qui touchent à la transition écologique et à la cohésion des territoires sont extrêmement nombreux et variés. En placer certains en interministériel témoigne de la priorité que leur donne le gouvernement et permet de les amplifier.
« Il faut mettre en avant des sujets qui changent concrètement la vie des Français » Laure-Aurélia Guillou
LAG – L’État devrait le faire en priorité pour des sujets qui changent concrètement la vie des Français grâce à l’action conjointe de l’ensemble des services publics de l’État. Pour l’Education nationale, je peux citer la lutte contre le harcèlement à l’école, le harcèlement étant un fléau qui touche chaque année des centaines de milliers d’élèves à l’école, mais aussi hors les murs et hors temps scolaire. La Première ministre a lancé en 2023 un grand plan interministériel pour coordonner la réponse des services de l’État pour lutter efficacement contre le harcèlement à l’école et le cyberharcèlement. Une communication d’ampleur, pilotée par le Service d’information du gouvernement, a été lancée pour sensibiliser les adultes et faire connaître au plus grand nombre la politique publique mise en œuvre dans le cadre du plan.
La place des sciences dans la communication publique
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