Rebâtir une société de confiance entre citoyens, usagers et services publics

Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique (DITP).

Les citoyens et les usagers ont un rôle fondamental à jouer dans l’efficacité de l’action publique. Cet enjeu collectif, humain et économique repose sur une confiance renouvelée à l’égard des institutions, incarnées au quotidien par les services publics qui doivent être au plus près des besoins des Français. Pour rebâtir une société de confiance, le service public doit fonder une nouvelle relation entre les citoyens, les usagers et leurs administrations. Cette action publique doit être centrée sur l’usager, en l’associant. Cette transformation ne peut se concrétiser que si l’administration exprime cette confiance en interne, envers ses agents, notamment ceux qui sont les plus proches des usagers, sur le terrain.

Confiance et prévention au cœur du droit à l’erreur

La loi pour un État au service de confiance du 10 août 2018, dite loi ESSOC, promeut un État « bienveillant et ouvert », centré sur l’usager ; la loi crée ainsi, notamment, un droit à l’erreur pour tous les usagers dans leur relation avec l’administration. Elle consacre de fait des changements profonds déjà engagés par nombre d’administrations dans leurs pratiques - les agents publics ont à coeur de répondre au mieux à chaque situation individuelle, surtout lorsque l’usager se trouve en difficulté pour faire valoir ses droits ou à la suite d’une erreur dans ses démarches administratives. L’objectif est de passer, par et dans les textes, d’une logique de contrôle a priori à une approche basée davantage sur la confiance et la prévention de l’erreur.

Plus de 335 000 droits à l’erreur ont été accordés depuis 2019.

Aujourd’hui, le droit à l’erreur est déployé dans l’ensemble des administrations publiques et plus de 335 000 droits à l’erreur ont été accordés depuis 2019. Il constitue désormais le premier engagement de l’ensemble des services publics  dans le cadre du programme d’amélioration continue Services Publics +, lancé en janvier 2021 par la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin.

Associés à l’évaluation des services publics sur le terrain, les usagers deviennent, avec les agents, des acteurs clés de l’amélioration continue des services publics.

L’usager, acteur clé de l’amélioration continue des services publics

Pour consolider cette relation de confiance « de proximité » à l’échelle nationale, l’usager doit être au coeur de la conception même de l’action publique : le Gouvernement promeut ainsi la participation citoyenne dans la définition et l’évaluation des politiques publiques, mais également dans l’amélioration des services publics : dans le cadre du programme Services Publics +, les usagers peuvent témoigner de leur expérience avec l’administration sur service-public.fr et contribuer à simplifier les démarches ou les formulaires qu’ils jugeraient particulièrement complexes. Également associés à l’évaluation des services publics sur le terrain, les usagers deviennent, avec les agents, des acteurs clés de l’amélioration continue des services publics.

La transparence des résultats

Enfin, la relation de confiance entre les services publics et les citoyens repose sur la preuve de l’action : les résultats des services publics sont ainsi publiés par chaque administration sur la plateforme Services Publics +. De surcroît, Amélie de Montchalin a lancé le 13 Janvier le baromètre des résultats de l'action publique qui, rend compte tous les trimestres, de l’avancement des 43 politiques prioritaires du Gouvernement département par département. Cet outil de pilotage de l’action publique s’appuie sur des objectifs et des résultats partagés par tous : administrations, élus, citoyens.

Confiance et sens : la transformation managériale de l’État

L’accélération du développement d’une administration fondée sur la confiance est aussi un sujet interne : parce que les agents sont porteurs de l’image de l’administration auprès des usagers, la relation de confiance entre l’administration et les usagers passe par le renouvellement de la relation de confiance envers les agents publics, dans une logique d’égale considération.

Confiance dans leur capacité à prendre la bonne décision. L’agent public à qui l’on fait confiance, dans son organisation, est plus enclin à adopter une posture de confiance à l’égard de l’usager.

Confiance dans le jugement des agents publics au contact avec les usagers et des acteurs chargés de la mise en œuvre des politiques publiques dans les territoires, confiance dans leur capacité à prendre la bonne décision. L’agent public à qui l’on fait confiance, dans son organisation, est plus enclin à adopter une posture de confiance à l’égard de l’usager. C’est le sens de la transformation engagée par le Premier ministre et la ministre de la transformation et de la fonction publiques et réaffirmé lors du 6ème comité interministériel de la transformation publique. Pour un service public plus personnalisé et territorialisé, faisant confiance aux agents les plus proches du terrain et des usagers, en leur donnant des marges d’initiative. Le Président de la République l’a réaffirmé lui-même dans son discours à la convention managériale de l’État du 8 avril dernier : Je pense que la grandeur du service public, la grandeur des chefs de service de l'État, en particulier déconcentrée, c'est de pouvoir prendre […] les décisions importantes et structurantes [...] avec l'esprit de jugement qui est le leur, la capacité à adapter ces décisions aux réalités du terrain et à répondre aux demandes et aux exigences du terrain.

La relation de confiance entre l’administration et les usagers passe par le renouvellement de la relation de confiance envers les agents publics.

C’est cet esprit d’initiative, d’innovation, dans les services publics, qui a d’ailleurs été salué par 76 % des Français durant la crise sanitaire : les agents publics ont fait preuve d’adaptabilité, de création, de responsabilisation pour répondre aux besoins des usagers. La crise sanitaire a, quelque part, été un accélérateur de la profonde transformation managériale nécessaire à l’établissement d’une relation entre les agents et l’administration basée sur la confiance et sur la responsabilisation. Yves Morieux, dans son ouvrage Smart Simplicity, considère ainsi que la culture de confiance et de coopération constitue la réponse à la perte de sens des agents et à la complexité croissante des structures, privées comme publiques. En faisant confiance aux agents, l’administration leur permettra d’exprimer pleinement leur engagement, leurs valeurs profondes, leur sens de l’État et du service public. Ce faisant, ils participeront à la constitution d’un service public de confiance, garant d’une société de confiance qui, comme l’écrivait Alain Peyrefitte, est celle d’une « société gagnant-gagnant, […] de solidarité, de projet commun, d’ouverture […]  ».

En faisant confiance aux agents, l’administration leur permettra d’exprimer pleinement leur engagement, leurs valeurs profondes, leur sens de l’État et du service public.